| LIVRES |
Se construire pendant la guerre pour les nuls
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Auteur(s), Autrice(s) | Marjane Satrapi |
Quand ça ? | 30 Juin 2007 |
Où ça ? | France |
ISBN | 9782844146762 |
Publié par | L’association |
Quoi ? | Une vision très personnelle de l’après révolution iranienne |
Raconte (mais pas tout) … | Marjane est une petite fille comme beaucoup d’autres, elle pense à s’amuser, à aller à l’école, et à passer du temps avec sa famille. La différence avec beaucoup d’autres petites filles, c’est que son enfance, elle la passe en Iran au milieu d’une révolution religieuse. Du coup, il y a pas mal de choses que Marjane connaît ou sait qu’une petite fille de son âge n’est pas sensé savoir ou vivre. Voici l’histoire de Marjane et et de son quotidien, de l’âge de 8 ans à 17 ans, dans un Iran en guerre de 1979 à 1988. Adaptation cinématographique en 2007. Edition également disponible en 4 tomes. |
L’IRAN DE MARJANE
Voilà un Ovni littéraire qui mérite le coup d’oeil. Parce que c’est une autobiographie, qui a l’air de tout sauf d’une autobiographie.
Tout d’abord, prenons le titre du livre. Persepolis. Cela nous fait faire un bond gigantesque dans le temps, puisque Persépolis (« la cité perse » en vieux persan) était le nom de la capitale Perse, 500 ans av JC. Cette cité regorgeait de bâtiments architecturaux emblématiques qui permettaient d’asseoir la réputation de la cité. Un pied de nez à l’histoire pour montrer du doigt la différence entre le passé glorieux de l’Iran qui n’hésitait pas à s’ouvrir, voire à s’exhiber au monde entier, et à contrario, l’Iran des années 80/90, repliée sur elle même, et prisonnière d’une dictature militaire et religieuse illégitime qui est malheureusement toujours d’actualité aujourd’hui.
Il est vrai que Marjane Satrapi n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de dénoncer, critiquer, ou ironiser sur les incohérences phénoménales d’un système politique dictatoriale qui marchait parfois beaucoup sur la tête. Mais bon, demander à une dictature d’être cohérente, c’est comme demander à Jean Castex de gérer correctement les sorties de la population pendant le confinement. D’ailleurs, je vous laisse, je dois remplir mon attestation pour sortir mon chien/faire du jogging/mettre mon masque sur les oreilles.
UNE BD PAS COMME LES AUTRES
Publié au départ en 4 tomes, Persepolis a fait l’objet d’une édition intégrale. Un gros pavé qui fait l’objet de cet article. Un gros pavé qui en a tous les sens du terme.
D’un point de vue physique d’abord, car même si c’est de la BD, il faut quand même se farcir les 365 pages. Le dessin qui est en noir et blanc, et qui donne l’impression parfois d’être assez approximatif, apporte une dimension visuelle significative, pour étayer une histoire difficile.
L’autre côté du pavé, celui balancé dans la mare cette fois, c’est le côté historique. Étant très acerbe dans le fond, on a souvent reproché à Marjane Satrapi d’être légère pour décrire les faits politiques de cette époque, de ne pas parler du Chah, etc.
Or, il faut être honnête avec nous-même et avec Marjane, Persepolis n’est pas un livre historique mais un manifeste autobiographique dont une grosse partie vu des yeux d’une petite fille. A partir de là, l’histoire avec un grand H, n’est plus le centre des affaires, et laisse la place à l’interprétation d’une enfant, sa façon de voir la guerre, et ce qui gravite autour. De plus, Marjane Satrapi l’a avoué elle-même : au delà de la réalité historique, elle a parfois eu du mal à se rappeler plus de 10 à 20 ans en arrière, son enfance avec tout ce que ça comporte.
Marjane, qui a grandi dans une famille très ancrée à gauche, décrit les interdictions, les obligations du système politique iranien, mais aussi comment elle a ressenti les préjugés et les bizarreries qui découlent d’une interprétation des écritures saintes érigées en système politique. Elle a vécu dans une famille qui n’était pas forcément dans le besoin, ni dans le strass et la richesse, mais elle a côtoyé la mort, souvent de loin, parfois de très près. Elle raconte également ses astuces pour passer outre les interdictions, comme écouter de la musique, s’habiller et se maquiller comme elle veut. Ou encore, elle nous prend à témoin de cette vie insensée au milieu de luttes armées en nous contant sa difficulté de s’adapter à un mode de vie diamétralement opposé au sien.
En 1984, des bombardements tuent les voisins de Marjane et le climat politique se durcit. Ses parents, inquiets pour elle, l’envoient en Autriche. Le livre raconte alors, les périples de la jeune fille en Europe, où elle se confronte aux différences culturelles et sociales des gens qu’elles côtoient. En essayant de devenir quelqu’un qu’elle n’est pas, elle va faire face à la solitude, et retourner avec la peur au ventre dans son pays natal.
Donc, même si certains déplorent des oublis (volontaires ou pas) de quelques faits politiques, le but n’était pas d’écrire un livre historique, ou de légitimer ou non, un système politique et religieux. Le but était bel et bien autobiographique. Il fallait retranscrire sa vision des choses, raconter dans quel état d’esprit elle a traversé les crises politiques et armées de son pays d’origine pendant son enfance, et les conséquences que tout cela a eu sur sa vie et même sur ce qu’elle est devenue.