Le Roi n’avait pas ri

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C'est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous
Le roi n'avait pas ri - Guillaume Meurice
| Infos|
Auteur(s), Autrice(s)
Guillaume Meurice
Quand ça ?
17 Mars 2021
Où ça ?
France
ISBN
9782709667869
Publié par
JC Lattès
Quoi ?
La blague de trop ?
Raconte (mais pas tout) …
Triboulet, créature difforme survivant à Blois, au XVème siècle, se découvre petit à petit un don pour la raillerie, le foutage de gueule, le bon mot qui agace... Suite à un événement fortuit, il devient le bouffon officiel de Louis XII et ensuite de François 1er. A travers sa vie faite de frasques et de punchlines qui énervent tout le monde sauf le monarque suprême, Triboulet va tester l'irrévérence à la cour du Roi de France en jouant avec les limites du pouvoir que lui donnent son "puissant" don du verbe.

Guillaume Meurice a l’habitude de poser des questions d’actualités politiques (ou autre), à des gens qui n’ont rien demandé ou presque, par l’intermédiaire de ses micros trottoirs. On commence à bien le connaitre, parfois à ses dépens, mais on ne l’imaginait pas en romancier moyen-ageux improvisé.

Pourtant, c’est bien ce qu’il a décidé de faire avec le roman « Le Roi n’avait pas ri » sorti en 2021.

La question est donc légitime : comment un « faiseur de blagounette », comme il aime souvent se présenter, peut se mettre à écrire un roman aussi étonnant sur un bouffon de la cour de Louis XII puis de François 1er. ?

Eh bien si, c’est possible, et les raisons de faire ce roman pour lui, sont bien plus logiques et nombreuses qu’on le croit.

Tester les limites

Avant cet ouvrage, il avait déjà tester plusieurs fois les limites de l’humour politique par l’intermédiaire de ses sketchs avec Charline Vanhoenacker sur France Inter. Directement face aux politiques qui venaient à la matinale d’Inter pour dire des trucs… plus ou moins utiles, les deux chroniqueurs avait l’habitude de taper là où ça fait mal.

Avec Gérald Darmanin
Avec François Fillon

Vous avez ri, ou pas du tout ? J’ai envie de dire, peu importe car ce n’est presque pas le sujet (mais c’est drôle quand même ^^).

Quand on voit le malaise palpable des deux créatures politiques subissant les saillies verbales des chroniqueurs, on voit bien que le sujet est ailleurs.

Alors que dans leur vie bien réglée d’interviews politiques habituelles, avec des échanges très codifiés et beaucoup trop polis entre eux et les journalistes, tout à coup, deux énergumènes viennent mettre leur nez ministériel respectif dans leur flaque de caca respective.

En effet, voici le premier parallèle et la principale raison d’écrire sur le bouffon de la cour : et si Charline et lui-même, étaient tels les bouffons des anciens monarques, des amuseurs publiques chargés de faire redescendre de leur piédestal les membres de l’assemblée nationale, qui ont besoin de revenir un peu sur terre de temps en temps (comme Mr Fillon et Mr Darmanin).

La seule différence étant quand même que Guillaume et Charline ne sont pas tenus de faire rire le « Roi » (ou Jupiter au choix) lui même, mais juste les auditeurs de France Inter.

Triboulet, de la fange à la soie

Donc, Guillaume Meurice,  transformé pour l’occasion en romancier, a l’idée de disserter sur la vie de Triboulet, bouffon officiel de Louis XII et de François 1er.

Avec ce projet, il s’aperçoit assez vite que son ouvrage va être un roman (une biographie romancée en quelque sorte) et n’a pas vocation à être un document qui décrit totalement la réalité historique de l’époque.

Pourquoi ? Car tout d’abord, il n’est pas historien et il laisse volontiers ce métier aux valeureux qui ont décidé de le pratiquer. Et ensuite, car malgré l’étude de son sujet avec l’aide d’historiens renommés, il ne reste malheureusement pas énormément de données historiques sur Triboulet et donc, il va falloir imaginer certains références à l’histoire du personnage. D’où vient t’il ? Était-il marié ? Était-il tout seul ou y avait-il plusieurs Triboulet ?

Donc, Guillaume Meurice en a fait un personnage truculent, intelligent, conscient de son physique disgracieux, et donc un poil dépressif. Mais l’humoriste a aussi rajouté un peu de lui-même dans ce personnage. Car, tout au long de l’histoire, Triboulet se caractérise par des irrévérences et de la provocation à travers des saillies verbales aussi piquantes que drôles, permettant de remettre à leur place le parterre d’hypocrites et de lèches bottes trainant autour de son Altesse Royale (ça ne vous rappelle pas quelque chose ?).

Guillaume Meurice
Guillaume Meurice

Il a donc écrit cette destinée incroyable d’un homme qui était voué à mourir comme une crotte dans une rue sordide de Blois.

Sauf que… Triboulet va vivre un moment qui va faire basculer son destin. Ce genre d’instant qui change en une fraction de seconde le reste de votre vie. Flanqué d’un physique difforme, d’une démarche claudicante, Triboulet traine sa carcasse dans les rues de Blois et tombe sur un autre bouffon de la cour. Il le sauve d’une agression violente et d’une mort certaine. Grâce à cette bonne action, la créature va se retrouver à la cour du Roi, où il va être nourri, logé, instruit, lavé et installé au plus près du monarque suprême pour le « divertir« . Mais, cette soudaine ascension sociale (si on peut la qualifier ainsi) a son revers de la médaille : se moquer des courtisans de la cour, se moquer du roi, oui, mais jusqu’à quel point ? Quelle est la limite à ne pas dépasser avant qu’un bon mot ne l’envoie sur l’échafaud ?

Le Moyen Age selon Meurice

Avec ce livre fait de recherches minutieuses et de fictions malicieuses, Guillaume Meurice navigue entre la personnalité d’un Triboulet qu’il veut intelligent, malin et sensible, et une époque aussi sanglante que guerrière et où on pouvait être pendu pour un mot de trop ou un regard de travers.

Les passerelles avec notre époque contemporaine sont nombreuses. Même si les mœurs ont changé et c’est tant mieux (on n’est pas décapité parce qu’on compare le président avec Jupiter), on peut tout de même avoir cette réflexion très intéressante sur les limites de l’humour (notamment politique).

A l’heure où le Président de la République fait la une de Pif Magazine, et qu’une de ses ministres en exercice fait celle de Playboy en arrosant copieusement ses copains avec l’argent public, ou enfin, qu’un autre ministre en activité écrit un livre avec passages érotiques en pleine réforme sociale qui va toucher des millions de français, on peut se demander, comme Triboulet se le demande, si les bouffons et les fous sont bien ceux qu’on croit…

Source : Article wikipedia sur Triboulet

Passions médievistes, épisode 11 (très intéressant à écouter)

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